Mon premier « Coup de gueule! »
À force d’en voir, d’en entendre, d’en vivre… je ne peux plus rester silencieux.
Je vois trop d’intervenants de première ligne donner jusqu’à la dernière goutte, porter le poids du monde sur leurs épaules, et continuer à avancer comme si de rien n’était, même s’ils sont à bout de souffle. Puis quand l’un d’eux ose mettre un genou par terre pour dire qu’il n’en peut plus, il ne reçoit pas le soutien dont il a besoin. Non. Il reçoit des jugements, des regards froids, des chuchotements dans le dos à l’effets qu’il est faible et trop fragile.
Comme si ce n’était pas assez difficile comme ça, on en rajoute entre les différentes professions de première ligne.
Je suis consterné d’entendre que certains paramédics seraient pris de haut par des infirmières (pas toutes, ne généralisons pas) dans les urgences, que le respect et la reconnaissance de leur travail n’est pas au niveau de ce que ces paramédics méritent. J’ai entendu des infirmières se plaindre du même traitement envers elles par des médecins, ce qui n’est pas plus acceptable selon moi. Alors pourquoi traiter les autres ainsi, si ce traitement que nous subissons nous heurte et nous blesse?
Je me questionne sur le pourquoi de ces agissements, si tous ont à cœur le bien-être des patients. Serait-il possible, sans passer pour une licorne, de s’offrir le respect que nous souhaitons obtenir les uns envers les autres? Est-ce si difficile? Les conditions de travails sont quasis aussi misérables des deux côtés, la rivalité ou le dénigrement ne sert personne, pas plus le patient qui attends d’être pris en charge que celui qui attend une ambulance qui est bloquée à l’urgence. Si c’est le bien-être du patient qui est vraiment au cœur de votre profession, en quoi cette manière d’agir contribue-t-elle à son bien être?
J’ai également constaté, par moi-même et confirmé par certains répartiteurs d’urgence lors de discussions, que ces derniers sont traités comme des secrétaires ou des agents de bureau. Que le manque de reconnaissance et de soutien est quasiment nul. Encore ici, pourquoi? Le répartiteur d’urgence fait plus que de juste répondre au téléphone et donner un appel. Il peut faire toute la différence entre la vie et la mort d’une personne lors d’un appel d’urgence. Il accompagne l’appelant, le calme et lui donne le pas à pas pour prodiguer les soins requis. Il s’assure de donner l’appel aux paramédics et de transmettre le maximum d’information. Le répartiteur peut également faire la différence dans une intervention policière ou un incendie en cours, en plus de faire la liaison avec le centre hospitalier ou le centre de détention et bien d’autres partenaires. Pourquoi ne pas passer faire un petit coucou à l’occasion ou encore prendre le temps de le remercier sur les ondes pour son travail à la fin de l’intervention? Est-ce si difficile de faire preuve de reconnaissance, tout comme celles que vous recherchez également et qui demeure vaine?
Une réplique peut également être blessante, car personne ne connaît vraiment le chemin de quelqu’un. Un jour, un policier et un pompier cherchaient à savoir qui « pissait » le plus loin et le pompier envoi cette réplique au policier : « On sait ben, vous autres, personnes vous aiment et vous êtes juste jaloux de pas avoir été capable d’être pompier! ». Le policier, pas plus fin qui réplique : « Tant qu’à sauver juste des solages et des chats dans les arbres, j’aime mieux faire ce que je fais! ». C’est juste moi ou c’était gratuit? Ce sont ces choses-là qui me consternent également. Non c’est pas juste des « jokes ». À la longue, ça use!
Pourquoi avons-nous besoins de nous dénigrer les uns les autres? Pourquoi ne pas reconnaître la juste valeur de chacun au lieu de se rendre aussi misérable envers un autre humain qui est au service de la santé et de la sécurité des citoyens? Vous faites partie d’un seul et même groupe « Les intervenants de première ligne ». Agissez avec bienveillance les uns envers les autres et offrez le respect et la reconnaissance que vous aimeriez obtenir en retour. Si nous voulons un milieu de travail plus stimulant et harmonieux, il faut commencer par agir en conséquence et cesser de juger les autres et de les dénigrer. Et ça, ça commence entre nous.
Attendez, j’ai pas fini.
LÀ, c’est ASSEZ!
Ce n’est pas normal qu’en 2025, on doive encore se battre pour être entendus, respectés, soutenus. Ce n’est pas normal que ceux et celles qui tiennent le système à bout de bras soient les premiers à s’effondrer… dans le silence, et parfois dans la honte.
Et là où il devrait y avoir de la solidarité, on retrouve trop souvent du cynisme. Des commentaires du genre : « Voyons, elle est donc bien fragile, elle? », ou pire, ce silence qui en dit long, qui isole, qui blesse.
C’est malsain. C’est destructeur. Et c’est surtout indigne de notre réalité. C’est indigne venant d’un intervenant de première ligne, point!
On est en train de créer un climat où demander de l’aide, c’est trahir le groupe! Où prendre soin de soi, c’est vu comme un luxe égoïste! Où plus personne n’ose dire qu’il ne va pas bien, de peur d’être mis de côté ou considéré comme inapte! On ne devrait pas avoir à s’épuiser en silence pour mériter sa place! On ne devrait pas avoir à cacher ses blessures pour être respecté! On ne devrait pas avoir à se détruire pour faire la « job »!
Ce n’est pas un luxe de vouloir aller mieux. Ce n’est pas un caprice de vouloir retrouver du sens. Ce n’est pas un signe de faiblesse de dire « j’ai besoin d’aide! ». C’est un geste de lucidité, de force et de courage.
Et si personne ne vous le dit, je vais le faire : « vous méritez d’aller mieux, d’être bien! Pas plus tard, pas quand l’équipe sera pleine, pas quand les horaires seront plus humains et pas à la retraite. Maintenant. ».
Vous comptez pour vos proches et c’est assez de faire semblant que tout va bien pendant que tout brûle à l’intérieur.
Parce que l’humain derrière l’uniforme compte et se soutenir, ce n’est pas trahir ou survivre, c’est tendre la main pour permettre à l’autre de reprendre pied.
« Désormais, la solidarité la plus nécessaire est celle de l’ensemble des intervenant de première ligne. » – Mario Proulx
Mario